Les enseignements à tirer de l’arrêt SAS Supermarchés MATCH, SAS CORA c/SNC NOVANDIE, SNC LACTALIS NESTLE ULTRA FRAIS MDD et al (Cour d’appel de Paris Ch 5-4, 24 nov 2021, n° 20/04265)

Le 24 novembre 2021, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans l’affaire SAS Supermarchés MATCH, SAS CORA c/SNC NOVANDIE, SNC LACTALIS NESTLE ULTRA FRAIS MDD et al (Ch 5-4, n° 20/04265).

Les sociétés Cora et Match avaient demandé réparation du préjudice qu’elles estimaient avoir subi du fait des pratiques identifiées par la décision de l’Autorité de la Concurrence du 11 mars 2015 (15-D-03) qui avait sanctionné une entente entre différentes sociétés fabriquant des produits laitiers dont celles intimées dans l’affaire.

Les sociétés Cora et Match s’appuyaient sur une étude économique pour justifier différents surcoûts subis dans leurs achats qu’elles avaient bien identifiés sur l’ensemble de la période visée (entre septembre 2009 et décembre 2015). Elles demandaient en plus un préjudice d’ombrelle considérant que des entreprises non parties à l’entente s’étaient placées dans le sillage des entreprises visées pour accroître leurs prix (à ce sujet voir Aff Koné -30 janvier 2014, CJUE C 557/12).

La Cour reconnaît l’existence des surcoûts sur la base de l’étude fournie par les demandeurs mais s’interroge ensuite sur la possibilité d’une répercussion sur les clients des demandeurs (passing on). Compte tenu de la date de l’affaire, la Cour s’appuie sur les principes de droit commun en vigueur avant la transposition de la Directive 2014/104 et précise qu’il appartient aux demandeurs de démontrer qu’ils n’ont pas répercuté les surcoûts qu’ils ont subis. Considérant que les intimés ont critiqué les taux de répercussion admis par les demandeurs (entre 32 et 35%) sur la base d’études théoriques et non à partir de données spécifiques aux enseignes concernées, la Cour retient malgré tout les taux de répercussions calculés par les demandeurs.

On peut retenir de cette affaire que la charge de la preuve du passing on est laissée aux demandeurs, ce qui en soi  ne satisfait pas nécessairement au principe d’effectivité, même si en pratique la thèse des demandeurs, justifiée par des études économiques, est bien retenue.

Cet arrêt retient également l’existence d’un préjudice d’ombrelle sur une partie de la période (jusqu’en 2012) hors de la période dite d’inertie.

Une référence intéressante doit être faite à l’effet volume revendiqué par les demandeurs qui considéraient avoir subi des pertes de volume dues aux hausses de prix. Cette demande ne sera pas retenue par la Cour qui considère, sur la base de l’argumentation des défendeurs, que la demande pour ces produits est relativement inélastique au prix et que les pertes de volumes n’ont pas été démontrées.

Enfin, on notera que le taux d’intérêt retenu par la Cour pour indemniser le préjudice financier du fait des flux de trésorerie manquants  correspond au taux marginal des emprunts des demandeurs soit 2,79 et 3,65% du fait de l’accroissement considéré par la Cour du besoin de financement des demandeurs.

 

Contributeurs : Maurice Nussenbaum et Claire Karsenti