Note Sorgem Observatoire des expertises indépendantes – Décembre 2024
SORGEM Evaluation analyse depuis plus de dix ans les offres publiques concernant le marché français au travers des données publiées sur le site de l’AMF. Nous avons choisi de contribuer activement à la diffusion des analyses économiques et financières réalisées à l’occasion d’offres publiques, et publions de manière régulière certaines analyses issues de notre étude des expertises indépendantes.
Cette note présente, entre autres, l’évolution du nombre et du type d’offres publiques, les méthodes et paramètres d’évaluation retenus par les experts indépendants et les banques présentatrices et met en lumière certains articles récents sur le sujet.
Pour rappel, à l’occasion d’offres publiques susceptibles de générer des conflits d’intérêt au sein du Conseil d’administration, du Conseil de surveillance ou de l’organe compétent de la société cible ainsi que de retraits obligatoires, un expert indépendant est désigné par les organes de gestion de la société dont les titres sont visés par l’offre. Il a pour mission d’émettre une opinion sur le caractère équitable des conditions financières offertes par la société initiatrice aux actionnaires de la société cible. Il émet un rapport détaillé dans lequel il analyse la valeur de la société, les travaux d’évaluation de l’établissement présentateur et les accords connexes éventuels (opérations préalables ou postérieures à l’offre, management packages, contrats de services, garantie de liquidité, financement de l’offre, etc.).

Nombre d’attestations d’équités répertoriées par l’AMF dans le cadre d’Offre Publique et honoraires moyens de l’expert indépendant
L’année 2024, en particulier le second semestre, a été marquée par une activité soutenue en termes d’attestations d’équité produites dans le cadre d’offres publiques. Avec 39 attestations recensées, l’année 2024 a dépassé la moyenne annuelle des dix dernières années (33 attestations en moyenne), marquant un net rebond après le creux enregistré en 2023.
En 2024, la moitié des offres ont été initiées par des industriels (par opposition aux investisseurs familiaux ou financiers).
Les offres portent davantage sur des entreprises de taille petite et moyenne (dites « small » et « mid cap »). La médiane des fonds propres des sociétés estimée au prix de l’offre s’élève à 60 M€, et varie entre 1,0 M€ et 2,5 Mds€.
Ceci peut expliquer, en partie, la baisse observée dans la rémunération de l’expert, qui s’établit autour de 105 k€ en moyenne en 2024.
Catégories d’Offres Publiques rencontrées et secteur de la Cible
En termes de secteur d’activité, les sociétés ayant recueilli le plus d’offres publiques sur les deux dernières années sont les sociétés industrielles, ainsi que celles actives dans le secteur du conseil et les logiciels.
Après une diminution observée sur le premier semestre 2024 de l’intention de l’initiateur de mettre en œuvre un retrait obligatoire, on constate que ces opérations demeurent un objectif privilégié des initiateurs.

Primes offertes aux détenteurs d’actions
Les primes observées par rapport au cours de bourse moyen des 3 derniers mois précédant l’offre sont en augmentation ces dernières années.
En 2024, la prime moyenne observée par rapport au cours de bourse (moy. 3 mois) s’établit à 43%, contre une prime moyenne observée par rapport au résultat du DCF de 25%.
On remarque d’autre part qu’en moyenne, plus la part du capital détenue par un initiateur avant l’offre est faible, plus la prime offerte par rapport au cours de bourse tend à être élevée.
Il convient toutefois de souligner que les primes proposées masquent d’importantes disparités entre les différentes offres.


Méthodes privilégiées par les experts indépendants et les banques présentatrices
La méthode privilégiée par les experts et les banques reste l’actualisation des flux de trésorerie, retenue à titre principal plus de 8 fois sur 10.
Si le recours à la méthode des comparables boursiers était historiquement important, nous remarquons une baisse de son utilisation sur les dernières années. Les experts retiennent moins cette méthode que les banquiers, mais l’utilisent davantage à titre informatif uniquement, c’est-à-dire sans qu’elle soit retenue pour établir une fourchette de valeur (en couleur pâle dans les graphiques ci-contre).
La méthode fondée sur des transactions observées sur des sociétés privées reste moins utilisée que par le passé, notamment chez les experts. Cela peut provenir d’un manque de références pertinentes (baisse du nombre de transactions réalisées dans un contexte économique et financier comparable à celui existant au moment de l’opération). La méthode continue d’être utilisée dans une proportion significative à titre indicatif.
Zoom sur les multiples considérés par les experts indépendants et les banques présentatrices
Lorsque que la méthode des comparables boursiers est mise en place, les experts et les banques privilégient les agrégats d’EBITDA et d’EBIT.
Les multiples boursiers retenus par les experts et les banques ont varié au cours de ces dernières années.
En 2024, on constate une augmentation, davantage marquée chez les experts que les banques, de l’utilisation du multiple d’EBIT. Cette tendance pourrait s’expliquer par une intensité capitalistique plus importante chez les entreprises ayant fait l’objet d’offres publiques.
On constate également que les experts, comme les banques, n’ont pas eu recours au multiple de PER au cours de l’année 2024. Cela peut s’expliquer par l’absence de sociétés de services financiers parmi les cibles, secteur où ce multiple est habituellement retenu.


Références retenues par les experts indépendants et les banques présentatrices
S’agissant d’offres publiques de sociétés cotées, il n’est pas surprenant de retrouver le cours de bourse en tant que première référence retenue par les experts et les banques.
Les opérations sur le capital sont régulièrement utilisées, lorsque de telles opérations ont eu lieu à une date proche de l’annonce de l’offre et/ou si elles concernent une acquisition de bloc entrainant l’offre publique.
Les objectifs de cours ne sont par définition disponibles qu’en cas de suivi de la cible par des analystes. A ce titre, l’utilisation de cette référence est variable et dépend du degré de suivi de la société. On remarque que cette référence est davantage utilisée à titre indicatif, tant par les experts que les banques sur les deux dernières années.
Composantes du taux d’actualisation et croissance à long terme
Sur les cinq dernières années, les taux d’actualisation médians pratiqués par les experts et les banques se situaient en moyenne autour de 10%, avant de connaitre une augmentation en 2024 en moyenne à 12%. Côté expert, cette hausse semble principalement liée à l’usage de primes spécifiques plus importantes dans le taux d’actualisation, ce qui serait cohérent avec la taille moyenne plus faible des sociétés ayant fait l’objet d’offre publiques en 2024.
Focus sur les paramètres retenus par les experts
Le taux d’actualisation retenu par les experts est quasi exclusivement estimé à partir de la formule du MEDAF.
La prime de risque du marché actions utilisée dans ce cadre entre historiquement dans une fourchette comprise entre 7,1% et 5,7%. La moyenne atteint un point bas sur les 10 dernières années à 5,74% sur le deuxième semestre 2024.
Cette baisse n’est cependant pas nécessairement synonyme de diminution générale des taux d’actualisation des flux, puisque nous notons sur la même période une remontée forte du taux sans risque.
Le taux sans risque suit en effet la trajectoire des taux souverains. Après une légère diminution constatée sur le premier semestre 2024, le taux sans risque a augmenté de nouveau au cours du deuxième semestre.

Sélection d’articles sur le sujet
- Les Echos, « Les actionnaires des holdings de Bolloré restent sur leur faim » -> Lien article
- L’AGEFI, « La valorisation des obligations convertibles Neoen, dans le cadre de l’OPA de Brookfield, fait débat » -> Lien article
- Polémique sur les travaux de l’expert pour la sortie de la cote de la foncière MAB. Post Linkedin de Pascal Quiry -> Lien post Linkedin
- Vidéo de Gilles Chauffaud, « ANALYSE Small Cap – OPA sur Esker » -> Lien vidéo Youtube
- Interview de Thomas Hachette par Bruno de Roulhac, journaliste financier chez l’Agefi, sur les offres publiques et les attestations d’équité. Post Linkedin de Thomas Hachette -> Lien post Linkedin
Disclaimer & contacts
La présente étude a été réalisée à titre purement indicatif, à partir des bases de données de SORGEM Evaluation constituées à partir d’informations publiques disponibles sur le site de l’AMF.
La retranscription, l’analyse et l’interprétation des éléments contenus dans cette note ne sauraient en aucun cas engager la responsabilité de ses rédacteurs et de SORGEM Evaluation.
Contacts pour la présente étude :
- Thomas HACHETTE, Associé SORGEM Evaluation ;
- Etienne LANGER, Manager, SORGEM Evaluation ;
- Mathilde FERRERO, Consultante, SORGEM Evaluation.